Carnet de bord # 1 Roberto Zucco

Par Jean Lambert-wild & Lorenzo Malaguerra

 

Nous avons été invités par la Compagnie Nationale de Théâtre de Corée (NTCK) à mettre en scène Roberto Zucco, de Bernard-Marie Koltès, avec la troupe du théâtre. Nous, c’est-à-dire Jean Lambert-wild et Lorenzo Malaguerra, complices de théâtre depuis plusieurs spectacles maintenant (La sagesse des abeilles, En attendant Godot, Richard III – Loyaulté Me Lie). Nous voilà à pied d’œuvre depuis une semaine à Séoul mais cela fait plus d’une année que le spectacle se prépare, en France et en Suisse.

À la question de savoir s’il est compliqué de travailler au théâtre dans une langue qui n’est pas la sienne, la réponse est double. Il n’est pas difficile de donner des indications de jeu aux acteurs – notre traductrice s’en charge – ni de reconnaître si leurs intentions sont justes par rapport aux situations qu’ils jouent. En revanche, la langue étant l’expression de la pensée et de la culture, le coréen se révèle bien différent du français. Ainsi, cette première semaine a été entièrement consacrée à vérifier avec les acteurs si la traduction coréenne de la pièce de Koltès correspondait bien à l’esprit du texte français. Parmi les nombreux exemples amusants et quelquefois compliqués à résoudre, le personnage de la Gamine se plaint d’être affublée de noms d’oiseaux affectueux par ses parents et par sa sœur : mon rossignol, mon alouette, ma colombe, etc. etc. C’est un motif qui revient tout au long de la pièce. Or en Corée on n’utilise pas du tout de tels qualificatifs pour marquer son affection envers ses enfants. Il a donc fallu trouver une équivalence ailleurs que dans le règne animal et la décliner tout au long de la pièce. Autre élément : Koltès juxtapose des phrases parfois très littéraires et d’autres beaucoup plus communes, ce qui est une des grandes particularités de son écriture qui à la fois colle à la réalité et la dépasse. La traduction coréenne avait tendance à bien souligner l’aspect littéraire du texte mais à atténuer le langage quelquefois très cru des personnages. Cet aspect-là gommait en partie l’humour de la pièce, pourtant très présent. Nos collègues coréens se sont donc échinés à traduire des expressions telles que « se foutre de la gueule de… » ou « grosse connasse », à trouver la subtile différence entre « bite » et « queue » et à imaginer toutes les gradations entre « demoiselle », « dame », « prostituée » et « pute ». Ce furent-là autant d’occasions de rire et de démontrer que la plupart des langues recèlent de grandes ressources lexicales.

À l’occasion de cette semaine de travail à la table, nous avons pu constater la très belle cohésion qui existe au sein de la troupe et la grande qualité de ses acteurs. Nous aurons bientôt l’occasion de les présenter. Pour l’instant, nous nous préparons à attaquer le travail au plateau et à tester la scénographie imaginée pour notre Roberto Zucco.

Spectacle

L’histoire de Roberto Zucco, de Bernard-Marie Koltès, basée sur le parcours tristement célèbre de Roberto Succo,...