Haillon d'un instant - Texte de Jean Lambert-wild

 

L’enfance est un royaume ou l’on peut voir les dieux naître et mourir. Leurs figures se construisent dans le bouillard de notre identité. Chaque jour y  est un règne. Parfois si mêlent la senteur d’un fruit, la voix d’un père, l’effigie d’un mythe, l’éraillement d’un souvenir ou la caresse rocailleuse d’une lamentation.

Dans ce royaume, ce que l’on est se cache dans le reflet de ce que l’on croit être. Une amitié relie le présent du monde au monde absent de nos illusions. Nous nous nourrissons de tout ce que nous touchons, capturant les mots qui s’étalent à nos pieds ; et qui lorsqu’il sont prononcés sont des fagots que nous jetons sur le bûcher ou brûle nos peurs.

Plus tard, au règne d’un jour adulte nous sommes les monarques défunts de ces fêtes où les guerriers morts prenaient part au banquet et buvaient un verre de sang mélangé de terre, de sel et de cendres. 

Plus tard, au règne d’un instant sans âge, nous sommes les dépouillés assoiffés d’histoires réduites à  des mares d’eaux qui n’étanchent pas notre soif.

La Mort d’adam est  l’une des Mélopées où habite l’enfant qui me désaltère.

Je suis construit de fables et un océan me sépare de moi.

La Mort d’Adam est la deuxième Mélopée de mon Hypogée.

Une autobiographie fantasmée qui se pense pour disparaître en se mangeant elle-même.

Une fable où l’on ne sait pas trop ce qui est de l’ordre de l’imaginaire et ce qui est de l’ordre du vécu.

Un geste libérateur qui subsume les inévitables contradictions, et lui confère une identité poétique.

La Mort d’Adam est un motif supplémentaire qui viendra enrichir cette fresque que je distribue depuis de nombreuses années.

Je vais y raconter l’île de ma valise. L’île interdite à mes yeux. Ce sera d’abord l’odeur de la terre mouillée qui frelote l’atmosphère. Enfant, j’avais l’habitude, après la pluie, de courir ramasser cet humide humus. Je m’en badigeonnais le torse en gloussant. C’était une carapace magique que cachait ma chemise. Avec elle, je pouvais affronter la magie des autres mondes.

Je vais y raconter, surtout, au travers de la vie d’un taureau nommé Adam, le mythe d’un basculement qui a construit une part sauvage de mon identité.