"si jamais invention humaine a mérité notre respect, nous tenons qu'il s'agit du parapluie"

 Étrangement, Ponge n'a pas écrit sur cet objet composé d'un mât sur lequel des baleines s'aplatissent ou se déploient au gré du temps... C'était peut-être trop facile, à moins que l'uniformisation bourgeoise n'en ait un temps totalement masqué la nature poétique. Il avait pourtant, parasol, accompagné les princes assyriens et égyptiens jusque dans leurs bas-reliefs commémoratifs, puis, ombrelle richement décorée pliable et déployable à merci, les dames chinoises – mais, victime des temps modernes, le très utilitariste William Sangster n'hésitait pas à lui rendre cet hommage dégradant au début du traité qu'il lui consacrait en 1871 : « simple, utile et sans prétention, si jamais invention humaine a mérité notre respect, nous tenons qu'il s'agit du parapluie ». Simple, utile et sans prétention ? Entre les mains de nos clowns, les parapluies seront magiques, martiaux, politiques et burlesques, ils nous feront voyager d'Europe en Asie, du Mahabharata à la comédie musicale française ou américaine, en passant par Magritte et Hegel, Wong Fei Hung, le Yang Ge ou Lautréamont. Explorer ce qu'est un parapluie lorsque, justement, il ne sert pas à se protéger des éléments. Explorer à quel point, subverti par l'imagination, cet accessoire devient, dans tous les sens du terme, spectaculaire. Explorer comment, sous son égide, des artistes français et singapouriens, venus de disciplines variées, peuvent créer ensemble une revue sur le parapluie, en gardant toujours en mémoire sa nature chamanique, si clairement formulée par Stevenson voilà plus d'un siècle : « rien n'est plus établi en matière de météorologie – de fait, il s'agit quasiment du seul point sur lequel les météorologues s'accordent – que ceci : porter un parapluie provoque un assèchement de l'air, tandis que, si on l'a laissé à la maison, des vapeurs aqueuses sont abondamment produites, qui se descendent rapidement sous forme de pluie ».

 

Marc Goldberg