Ekklesia d'une solitude - Texte de Jean Lambert-wild

La technologie, espèce dépendante du corps humain, connaît des mutations et des évolutions dont les figures précèdent et organisent les formes des mutations et des évolutions de son hôte.

Chaque jour désormais, et cela au prix de sa propre descendance à qui elle nuit sciemment, notre humanité est contrainte ou se contraint à des transformations pour garantir l'énergie suffisante à la nouvelle mise à jour hypnotique et technique du monde. Rejetés à l'extérieur de notre corps, écartés de nous, nous avons perdu les signes de notre identification. Chacun enfermé chez lui affronte cette nouvelle solitude qui, dans un geste de désespoir, sature les ondes et les canaux d'appels de détresse.

Humains bafoués et épouvantés sans interlocuteur consacré, nos cris, en nuée, s'accumulent, meurent, et nous ensevelissent. Où demain pourrons-nous pleurer épiderme contre épiderme ? Ou nous rassemblerons-nous pour exulter notre effroi et échanger nos joies ? Comment nous réconforterons-nous ? À qui rapporterons-nous les mots de l'opprimé ? Qui sera l'auditeur du souffle des hommes ? L'art sera-t-il notre messager ?

Mille questions pour un même malheur et peut-être plus aucun dieu pour y répondre ; ou fol espoir, la voix d'un homme mécaniquement amplifiée par la voix d'autres hommes qui rient au travers des machines.