Déclaration de guerre !
Hurlant !
Des feux gravés
Aux silex
Des disparus
Qui brasillent
Aux voûtes froides
De mes amnésies.
Le jour de votre peur j’ai peint mon corps au charbon d’un soleil noirci de désirs
rétrécis.
Le jour de votre peur j’ai compris d’un bonjour que nous étions des orpailleurs extrayant
l’or de la main des vautours.
Le jour de votre peur je me suis tu et...
Le jour de votre peur…
Je me suis tu.
Tiens moi ma forge!
Ne fabrique pas autre chose que l'inutile clou que je jetterai à la mer.
C'est l'axe de mon offrande livrée à l'abîme
Vers qui je fixe
Tant bien que mal
Mon oblicité.
Tiens moi !
Tiens moi ma colère !
Pioche ce visage miné d’amour.
Ne laisse plus un sourire te décourager.
Mieux vaut perdre
Que de se rendre d’une lâcheté promise
A vieillir dans le confort.
C’est l’état ridicule qui juge qu’un jour ne suffit plus à reconnaître un jour.
C’est l’état ridicule qui résigne l’homme à ne plus être qu’un homme.
Tiens moi !
Porte ma couronne !
Elle est sans royaume.
Y paisse les illusions des étoiles.
Ne pas y croire
Est sans gravité
Car la foi ici te servirait de pardon.
Tu n’as rien à pardonner.
Les pierres ne pardonnent pas.
Elles se disent montagne et cela leur suffit.
Elles se disent poussière et cela leur suffit.
Peux-tu le dire ?
Peux-tu le souffrir ?
Sans écouter le gémissement de n’être rien
Pas même une pierre.
Joli mystère
Qui t’expose à tout dire.
Dédiée à cette diablerie
Ta langue est une lance
Pointée au corps de l’ennemi
Tes dents des boucliers
Levés au silence de l’adversaire.
Parle leur à ces pierres
Qui tiennent devant toi
Qui la mort !
Qui la vie !
Dis leur ce qu’elles ne peuvent dire
Dis leur l’oubli.
Tu ne t’accorderas pas d’une douceur.
Tu ne te battras pas d’une langueur.
La pitié est une virgule inutile.
Voici le merci
Le grand merci
Que tu auras
A livrer combat
A perdre tes mots
A accepter la blessure
D’être l’armée muette
Défaite à la porte
De ce monde dépourvu de légendes.
De ce monde fourbu
Qui ne cherche qu’à se rendre.
Il n’y aura pas de renfort.
Ta muraille est abattue.
Tu es seul
A coté d’un autre seul
Alors
Bats-toi seul !
Gesticule mon perdu !
Hurle !
Bannis toi de toi même.
Abandonne tes poils
Tes plumes
Tes feuilles
Ta peau.
Tu as perdu beaucoup.
Tu peux perdre encore plus.
Alors bats-toi
Bats-toi seul mon perdu !
Tes armes sont une étendue
Qui porte en deuil l’infini.
C’est une saignure
Sans racines
Sans ancêtres
Sans avenir.
C’est l’héritage d’un rien
Dont personne n’a besoin.
La tentation d’une fuite
Fourmille sur ta bouche.
Mais où irais-tu ?
Autour de toi ?
Il n’y a pas d’autour de toi !
Ici des gens sont venus
Tout pareil
Pareils à toi !
Porteurs de leur ruine.
Porteurs de leur musée.
Porteurs de leur médiocrité.
Tout pareil
Pareils à toi !
Ils veulent fuir
Mais ne savent où aller.
Tu ne peux te fuir.
Ils ne peuvent pas plus s’échapper.
Tiens moi !
Tiens moi !
Tu as mangé la terre.
Tu as mangé la mer.
Tu as mangé ton père
Ta mère…
Ce bras…
Ce pied…
Ce ventre…
Tiens moi !
Ne reste que la bouche.
Qu’en faire ?
Tu ne peux l’arrêter.
Que faire ?
Bouche de pâture
Ton carnage ne fait que commencer.
Tiens moi !
C’est la curée !
A dégueuler !
C’est la curée !
A dégueuler !
Culbuter…
Egorgé pour apprendre à parler
Tout l’édifice de peaux
De chiffons et de mots
Aux odeurs âcres de bitume.
Démantelés des pieds à la tête
Les squames d’émotions confuses
Les nerfs trimés à l’outrance
Les membres semés de fer.
Culbutés au délire de consommer
Le sexe en reposoir
La chevelure en dépotoir
Les ongles en griffoir.
Cela viendra !
Ce froid…
Partout ce froid…
Le froid ?
Tu as froid ?
Ne t’inquiète pas !
C’est l’hiver qui s’arraisonne
Qui réclame le sang
Des jours fauchés
A castagne d’exister.
C’est la bataille des gueux
Qui rient en cortège
Qui donnent des coups à l’inconnu
Cet immigré épuisé
Qui lui aussi rit
Et rivalise de coups
Pour séduire la jeune fille
Qui le conduira à la mort !
Tiens moi ma forge!
La fleur carnivore
Qui pousse dans ma bouche
N’est pas épanouie.
Je sens les aiguillons de ses racines
Enflammer mes lèvres.
La pointe de ma langue s’agite.
Elle crie
Et s’égorge
Pour ne pas être aspirée
Dans les limbes sans mots
Où l’on veut l’emprisonner.
Ma bouche est une plaie puante
Dans sa béance
Je distingue les membres
Démesurément allongés
Des monstres que j’ai élevés.
Ils cherchent à m’attraper.
Je les vois croître
Et m’empêcher de rejoindre
Cette jeune fille si belle
Dans sa robe chargée de rubans et d’objets.
Cette jeune fille si belle
Qui danse sous des tonnes de déchets.
Cette jeune fille si belle
Que les éboueurs emportent dans une usine
Et qui sait qu’elle sera incinérée.
Cette jeune fille si belle !
Oubliée…
