Jean Lambert-wild ou la scène au-delà du visuel

Jean Lambert-wild est un artiste complet, attaché à développer une œuvre tant personnelle qu’universelle, protéiforme, surprenante. Entre 2007 et 2015, Lambert-wild fut à la tête de la Comédie de Caen – Centre Dramatique National de Normandie, et est maintenant directeur du Théâtre de l’Union, Centre Dramatique National du Limousin. Sous sa direction, ces deux CDN ont vu leur programmation s’élargir pour inclure des travaux de nature pluridisciplinaire, qu’il s’agisse des créations initiées par Lambert-wild lui-même ou des spectacles que le théâtre co-produit ou accueille.[1]Cette pluridisciplinarité, et le désir lambert-wildien de collaboration, sont visibles à tous les niveaux de ces institutions : la « direction oculaire » des programmes et du site Internet du théâtre (leur identité graphique et visuelle), par exemple, est confiée à l’artiste Stéphane Blanquet, qui collabore en outre, en tant que co-auteur, avec Jean Lambert-wild sur plusieurs projets scéniques, tels que War Sweet War ou plus récemment Richard III – Loyaulté me lie.

Bien que toute son œuvre soit dédiée à la scène, Jean Lambert-wild rejette activement l’appellation d’ « homme de théâtre ». Il ne se reconnaît pas non plus dans la fonction de metteur en scène.[2] Il se voit au contraire comme un catalyseur, celui qui rassemble les compétences et savoirs de ses collaborateurs pour construire ensemble un théâtre sans concessions. Il refuse en outre de donner un nom à sa fonction ou d’expliquer son travail. À la question « Comment vous définissez-vous ? », il répond invariablement : « La seule chose que je puisse dire, c’est que je suis le fils de mon père et de ma mère ».[3]

Pour chaque création, Jean Lambert-wild s’associe à des collaborateurs et collaboratrices, certains de longue date, d’autres découverts pour l’occasion.[4] Pour Lambert-wild, c’est la somme des compétences et des talents qui permet à un artiste de construire une œuvre ; en ses termes : « on ne va pas sur la Lune tout seul ».[5] Mêlant recherche de plateau et expérimentation scientifique et technologique, Lambert-wild et ses coopérateurs construisent ce qu’il appelle un théâtre « multi-medium »,[6] dans lequel les technologies numériques sont une texture importante, mais ne constituent pas le centre de gravité. En effet, c’est moins par souci de nouveauté que par désir d’utiliser tous les mediums qui sont à sa disposition, et qui opèrent de façon omniprésente dans la société qui l’entoure, que Lambert-wild en use. Selon lui, « il est impossible de parler du monde, de le représenter, et de le questionner de manière critique et didactique en adaptant des modes de représentation dont on se servait déjà il y a cinquante ans ».[7] La fonction de la technologie pour Lambert-wild est de permettre de faire du théâtre le lieu où peut opérer une mémoire collective et parfois inconsciente et où peut se constituer une communauté d’êtres humains, un « lieu d’appartenance collective ».[8]

Comme je vais le montrer, Lambert-wild et ses collaborateurs utilisent les technologies numériques pour user des procédés en œuvre dans nos sociétés contemporaines, mais surtout pour dépasser les limites d’un impossible théâtral et remettre en question les frontières physiques de la scène ainsi que la perception du spectateur. La notion d’injouable, l’idée de détourner les impossibles de la scène forment la base de la philosophie lambert-wildienne : il le dit lui-même, en guise de devise qui couronne chacune des pages de son site Internet : « N’est possible que ce que nous croyons impossible ».[9] Il s’agit de dépasser ces impossibles, et de lier la salle et la scène pendant l’évènement théâtral d’une façon qui unisse tous les participants, qu’ils soient sur scène ou qu’ils soient spectateurs. 

Dans cet article, j’examine la façon dont Jean Lambert-wild et ses collaborateurs déjouent la notion d’injouable et du même coup questionnent la notion de présence et redéfinissent la matérialité du plateau et de la salle. Quoique prenant place dans un modèle de salle traditionnel, le théâtre de Lambert-wild et ses collaborateurs s’attache à dépasser la séparation scène–salle, et ce par le biais d’une utilisation particulière de procédés technologiques, créant un théâtre qui en appelle aux sens et qui redéfinit la notion de représentation en allant au-delà du visuel et en « touchant » ses spectateurs. Ceci permet en retour de créer un événement théâtral qui redéfinit ce qu’ « être ensemble » veut dire. 

Dans un premier temps, j’examine comment Lambert-wild et ses collaborateurs défient les impossibles techniques, puis développent, par la technologie, une corporalité élargie, qui « touche » les spectateurs. J’explore ensuite comment cette notion de toucher est étendue à la voix, qui devient tactile, pour conclure sur la façon dont le théâtre haptique développé par Lambert-wild et ses collaborateurs est « plus-que-visuel » et s’attache à construire une communauté de spectateurs : une façon d’être ensemble.    

 

Une « pratique du spectateur »

En vue d’explorer la façon dont le travail de Lambert-wild et ses collaborateurs remet en question et en tension la relation entre salle et scène, il convient de brièvement présenter les outils méthodologiques qui alimentent et sous-tendent mon analyse. Ces éléments de méthodologie sont importants, parce qu’ils lient absolument la forme de mon analyse aux thèmes et procédés élaborés par Lambert-wild dans son théâtre.  En effet, j’écris dans cet article à partir de ce que je connais du travail de Jean Lambert-wild, au travers de l’expérience que j’ai pu en faire à plusieurs reprises en tant que spectatrice, observatrice lors des répétitions de plusieurs spectacles, ou encore interlocutrice lors de nos multiples conversations. Ce qui est en jeu ici, et qui est sollicité par le théâtre de Jean Lambert-wild et ses collaborateurs, c’est ce que le chercheur britannique Martin Welton nomme une « pratique du spectateur » – a practice of spectatorship - qu’il définit comme un « processus dynamique ».[10] Ce processus de perception dynamique est tout à la fois « un engagement de soi et des possibilités propres à chacun, ainsi que des objets vers lesquels notre attention est dirigée ».[11] C’est dans cette perspective que je me place afin d’examiner la façon dont Jean Lambert-wild et ses collaborateurs façonnent un théâtre qui peut être vécu et ressenti à un niveau pluri-sensoriel, et ce parce qu’une telle approche me permet de prendre en compte la dimension subjective et somatique inhérente à mon postulat.

Je souligne ici ma dette envers une généalogie de chercheurs qui ont développé une ethnographie de la danse, ce qu’on appelle dans les pays anglophones dance ethnography, qui fournit depuis le milieu des années quatre-vingt dix des instruments d’analyse qui permettent de prendre en compte la position d’observation-participante du chercheur. Cette position consiste à faire l’expérience du mouvement d’une façon que nourrissent et influencent des caractéristiques émotionnelles, somatiques et personnelles spécifiques.[12] Ainsi, quand j’assiste à un spectacle de théâtre, je perçois bien entendu ce qui se déroule sur scène, mais aussi autour de moi dans la salle. Je sens le mouvement de mes voisins, je perçois plus ou moins consciemment différents niveaux de confort, la façon dont je suis assise, les niveaux de température…[13] À ce niveau, je suis déjà, du fait de notre co-présence les uns aux autres, placée dans un contexte où je fais partie d’un ensemble.[14] C’est une dimension que le théâtre de Lambert-wild s’attache à renforcer : lier ainsi les perspectives méthodologiques de cet article à la philosophie et la poétique du travail de Lambert-wild permet d’examiner comment son théâtre opère à un niveau « plus-que-visuel ».   

Créer puis dépasser des impossibles techniques

Tout le travail de Jean Lambert-wild peut être vu comme une entreprise constante consistant à déjouer l’impossible : l’injouable mais aussi l’irreprésentable, d’un point de vue pratique plus que moral ou éthique. Cette attitude trouve un écho dans les éléments biographiques que Lambert-wild met à notre disposition, où l’impossible est synonyme d’invraisemblable. En effet, toujours avec Lambert-wild, il est malaisé de distinguer la fable du fait : les éléments biographiques dont on dispose sont mâtinés d’une dimension qui semble souvent presque trop fantasque pour être véridique. Il se serait par exemple enfui de La Réunion, son île natale, en se faisant enrôler comme mousse sur un navire de marchandises, à l’âge de seize ans et sans le consentement de ses parents. Un autre exemple : le fait que Jean Lambert-wild travaille à construire une œuvre à l’échelle de toute une vie, ce qu’il appelle son Hypogée, entreprise d’ « autobiographie fantasmée »[15], qu’il explique avoir entièrement imaginée et planifiée et qui se constitue au fil des ans et des spectacles. Ces invraisemblables éléments biographiques, l’ambition à l’échelle de toute une vie de son projet artistique, permettent de noter que la vie et l’œuvre de Lambert-wild sont apparemment indissociables. Tous les pans de son activité sont joints par une remise en question générale de ce qui est fiction et ce qui est fait, de la distinction entre vie artistique et vie publique, et, par extension, entre scène et salle. Remettre en question les faits biographiques, tout en représentant une « autobiographie fantasmée », concourt à dissiper la séparation entre salle et scène. 

Cette dimension trouve un écho dans la façon dont Lambert-wild et ses collaborateurs utilisent les technologies pour construire des spectacles où l’illusion est reine.[16] Quant des artistes tels que Robert Lepage, The Wooster Group, ou Katie Mitchell usent de la technologie pour mettre en avant et déconstruire la fabrique de la scène, Lambert-wild en use au contraire pour en masquer la virtuosité technique et renforcer la théâtralité, l’aspect magique et enchanteur de la scène. L’idée de simultanément masquer et révéler une virtuosité technologique et technique cristallise l’entreprise Lambert-wildienne : la technologie n’est jamais utilisée pour elle-même, elle se rend invisible, au service de la scène qui absorbe le spectateur. Toutefois, la technologie constitue aussi l’axe central d’un théâtre qui émerveille et captive du fait de sa virtuosité et de son apparente complexité: les effets dont on est le témoin semblent à première vue souvent « impossibles », irréalisables. 

Or, l’idée qu’un projet soit « infaisable », qu’il s’appuie sur des conditions techniques a priori irréalisables, ne constitue jamais un obstacle pour Lambert-wild ; au contraire, cela nourrit un désir d’imaginer, puis de construire, des solutions jusque-là impensables. Souvenons-nous de sa devise : « N’est possible que ce que nous croyons impossible ». Par exemple, qui de mieux qualifié pour incarner sur scène les insectes qui habitent le texte de Michel Onfray, La Sagesse des abeilles, qu’une ruche entière qui peuplerait le plateau ? Mais comment amener sur scène un essaim bien vivant, sans que ne soient mis en danger ni le public, ni les acteurs humains, ni enfin les abeilles elles-mêmes ? La solution inventée par Lambert-wild et ses collaborateurs pour déjouer cet impossible a pris la forme d’une marionnette à taille humaine, dont le corps translucide contient l’essaim tout en le laissant apparaître. Les acteurs quant à eux, ne sont plus présents que sous la forme de voix préenregistrées, cédant le plateau aux abeilles. 

Pour La Mort d’Adam, un spectacle composé en 2010 et qu’il présente comme une « autobiographie fantasmée », Lambert-wild décide de se dupliquer, littéralement, sur scène. Cette duplication est exécutée au travers de projections auxquelles la figure du clown, qui traverse l’œuvre de Lambert-wild, s’entremêle. Mais Lambert-wild va plus loin, et se dédouble véritablement, en chair et en os, devant les yeux incrédules des spectateurs. Pour contourner cet impossible, Lambert-wild a fait appel au magicien expérimental Thierry Collet et n’a pas hésité en outre à faire venir des États-Unis un parfait inconnu, Jeremiah McDonald, artiste de mime et vidéographe « trouvé » sur YouTube, qu’il a acheminé jusqu’à Caen sous le seul prétexte qu’il lui ressemblait. 

Pour War Sweet War, il s’agit de pousser ce principe de dédoublement encore un peu plus loin. Le spectacle met en scène un couple qui, soumis à la pression intenable provoquée par une guerre omniprésente mais invisible, assassine ses enfants puis sombre dans la déraison avant de se donner la mort. Lambert-wild et ses collaborateurs ne négligent pas ce qu’il y a d’indicible dans une telle descente aux enfers : elle est donc dansée par des interprètes sans voix. Seul est audible un texte de deux minutes, dit par une voix dont on ne voit pas le corps. La scène de l’empoisonnement des enfants se déroule hors champ, on entend leurs rires qui peu à peu se disloquent, et ce sont les parents, masqués comme pour un anniversaire, que l’on voit aller et venir. Lambert-wild décida de ne pas donner à voir cette scène, pour des raisons pratiques, mais surtout parce que ce n’est pas ce qui l’intéresse ici. Il porte plutôt notre attention sur ce qui suit l’empoisonnement : l’apparition, au sous-sol de la maison, d’un doublon, une version plus morte que vive du couple infanticide, évocatrice de leur descente aux enfers. Or, cette fois-ci, le dédoublement n’est pas mis en œuvre à l’aide de projections, ou encore d’un présumé sosie, ainsi que c’était le cas pour La Mort d’Adam. Pour War Sweet War, Lambert-wild a fait appel à deux couples de jumeaux, en dépit des difficultés techniques et pratiques que cela entraînait. En effet, trouver des artistes qui soient de vrais jumeaux et de bons danseurs est aussi malaisé qu’il y paraît. De fait, les membres féminins du couple dédoublé s’avèrent être deux danseuses russes et non francophones. La décision de Lambert-wild et ses collaborateurs de travailler avec ces artistes, réussissant ainsi à déjouer l’apparente impossibilité qu’il y aurait à littéralement dédoubler des interprètes, déplace l’idée d’injouable. Il est probable en effet que la décision de Lambert-wild et ses collaborateurs de se débarrasser du langage parlé, ait été en partie motivée, non seulement par la dimension indicible de ce crime, mais aussi par une difficulté pratique réelle et dans ce cas, linguistique.

Enfin, dans sa création la plus récente, Richard III – Loyaulté me lie, une adaptation du texte éponyme de Shakespeare, Lambert-wild choisit de déjouer l’impossibilité financière de travailler avec autant d’interprètes qu’il y a de personnages en ne plaçant sur scène que deux acteurs : lui-même, en Richard III clownesque, et Élodie Bordas, chargée d’incarner tous les autres personnages de la pièce, ainsi qu’une multitude de fantômes, rendus possibles et vivants par un procédé de projections appelé « mapping ».

L’ambition de Lambert-wild est, on le voit, de prendre en compte des contraintes réelles mais de les transformer en procédés qui permettent une remise en question profonde des modes de création et de perception. Les « impossibles » physiques de la scène, les contraintes pratiques du plateau, constituent pour Jean Lambert-wild une provocation qu’il s’agit de détourner en usant de procédés techniques qu’il déplace et détourne. 

Une « corporalité élargie »

Outre cette constante habileté à détourner les impossibles pratiques de la scène, qu’il s’agisse de contraintes physiques et matérielles, ou des défis que Lambert-wild se pose à lui-même et qu’il retourne en sa faveur, l’intérêt du travail de Jean Lambert-wild provient probablement moins des stratégies techniques, technologiques et pratiques qu’il conçoit en vue de déjouer des obstacles pratiques que de la façon dont ces stratégies et stratagèmes perturbent la perception du spectateur. Reprenons l’exemple de War Sweet War : le regard du spectateur ne peut se porter que sur l’un des deux étages, ou bien se résigner à absorber la scène comme un tout, devenant ainsi activement « passif ». Il s’agit alors, consciemment, de se laisser faire, afin de recevoir le sens du spectacle à travers une accumulation de sensations juxtaposées plutôt qu’au travers d’une interprétation linéaire de signes. Dans ce jeu de miroir, la perception de soi, de l’intégrité et de l’unicité de son propre corps et de son identité, est profondément remise en question, ainsi que nous allons le voir au fil de ce texte.

Ces perturbations de la perception sont accentuées lorsqu’elles prennent une forme que l’on peut appeler « plus-que-visuelle » : Lambert-wild et ses collaborateurs construisent, en effet, des codes et des modes de représentation qui redéfinissent une théâtralité qui va au-delà du visuel – tout en l’englobant – et proposent une solution sensorielle, et incarnée, à la notion d’irreprésentable. Plus précisément, cette théâtralité perturbe la perception du spectateur, dépassant la division salle - scène au travers d’une exploration et d’une redéfinition de la notion de tactilité. La critique Izabelle Pluta suggère dans son ouvrage L’Acteur et l’intermédialité que le théâtre de Lambert-wild et ses collaborateurs est construit sur « une notion de corporalité … élargie » (190). Ce principe se retrouve tout au long de la carrière de Jean Lambert-wild : déjà en 2001, avec l’adaptation d’Orgia, d’après Pier Paolo Pasolini, il s’attachait à élaborer cette corporalité élargie. Orgia comporte plusieurs scènes où deux acteurs, Mireille Herbstmeyer et Éric Houzelot, se tiennent quasiment immobiles. Leur peau est couverte de capteurs qui transmettent chacune de leurs réactions physiologiques à un ordinateur. Ces données sont utilisées pour créer des créatures virtuelles qui s’apparentent à des organismes marins : les Hyssards et les Apharias, collectivement appelés Posydones. Ces Posydones apparaissent, sous la forme de projections, autour des acteurs dont l’état physiologique en altère le comportement. Les spectateurs sont mis au courant de l’existence de ce procédé, le système Daedalus, par la note d’intention que Lambert-wild met à leur disposition à l’entrée de la salle.[17]

C’est avec Orgia que Lambert-wild entama sa collaboration avec les technologies numériques ; le logiciel qui donne vie aux Posydones fut en effet créé par une équipe de chercheurs pour les besoins de la pièce. Paradoxalement, cette innovation technologique – du fait de la présence de capteurs mais aussi du fait des projections – suppose que les acteurs restent immobiles : pour dépasser les limites de ce qui est représentable, il a fallu effectuer un compromis et déplacer le mouvement du corps des acteurs pour l’attribuer à leur environnement. Ainsi, quoique les acteurs se parlent, sur scène, de relations sensorielles et sensuelles, aucun contact physique n’est permis entre eux, ils ne sont connectés que par les Posydones. Le fait que ces derniers soient générés à partir de sensations et de réactions physiologiques réelles qui d’ordinaire restent invisibles, reléguées au rang de l’intime, et le fait que ces réactions soient soudain matérialisées, remet en question la notion même de corporalité, redéfinissant du même coup la notion de présence de l’acteur.  

Cette « corporalité élargie » qui redéfinit l’idée de présence en plaçant sur scène une matérialisation physique de l’état physiologique des acteurs, donne à voir un état intérieur ; elle permet en outre l’avènement d’une différente tactilité. Dans une autre scène, chacun des deux acteurs est placé devant une sombre ouverture rectangulaire en fond de scène. Coté jardin, Herbstmeyer se tient debout, la tête oscillant légèrement de droite à gauche, et d’avant en arrière. À sa gauche, Houzelot est accroupi, et alors que sa respiration se fait entendre dans le microphone qui est attaché à son visage, une multitude d’Apharias se concentre autour de sa bouche. Les créatures se multiplient, formant une boule opaque et brillante. Sur l’expiration d’Houzelot, la boule se change en un rayon qui pointe vers la bouche béante d’Herbstmeyer. Au moment où il atteint Herbstmeyer, le rayon est pulvérisé et les Apharias se dispersent. Cet exemple d’un toucher visible et pourtant impalpable est provoqué par les plus intimes réactions des comédiens. À un niveau visuel, il est possible d’assimiler ce toucher par l’intermédiaire des Posydones au toucher qui aurait pu avoir lieu entre les acteurs, quoique ces créatures n’ont d’autre existence que leur image projetée. C’est là que le mouvement des Posydones remet en question la notion même de corporalité : le fait que les acteurs soient en mesure de se toucher l’un l’autre par procuration est susceptible de générer chez le spectateur une réponse kinesthétique similaire[18]. La représentation du toucher par l’intermédiaire des Apharias est perçue comme le serait un toucher entre les deux acteurs. Ainsi que je l’évoquai plus haut, je perçois ce toucher en fonction d’une mémoire personnelle et incarnée de la tactilité. À un niveau tant poétique que phénoménologique, ce déplacement du mouvement du corps des acteurs au profit des Posydones redéfinit la notion de tactilité sans toutefois en affecter les qualités.

Tactilité de la voix

L’exemple des Posydones dans Orgia redéfinit la notion de tactilité en suggérant un toucher qui n’a pourtant d’effet que visuel, quoiqu’initié par des sensations physiques et des réactions physiologiques réelles. Dans le travail que Lambert-wild et son collaborateur de longue date, le compositeur Jean-Luc Therminarias, mènent sur la voix, la notion de tactilité est remise en question d’une manière qui cette fois dépasse le visuel. Ainsi, il ne s’agit plus seulement d’appréhender le théâtre comme un spec-tacle que l’on regarde, mais comme une expérience sensorielle totale, ce qui suppose par ailleurs que le sens ne naît pas seulement d’une appréhension par le visuel mais est construit dans la chair.[19] Dans La Mort d’Adam, la comédienne Bénédicte Debilly est assise dans un large fauteuil, en deçà de la scène, à jardin, tandis que Jeremiah McDonald occupe le centre du plateau, évoluant dans un univers de projections qui se superposent. La voix de Debilly est amplifiée et « mixée » en direct par Therminarias. Le microphone utilisé dans ce dispositif a été conçu pour relever le plus léger et fugace des sons: il amplifie non seulement le grain de la voix de Debilly, mais aussi ces bruits  qui accompagnent, précèdent ou suivent la parole et qui restent d’habitude inaudibles. Le sifflement de la salive, l’entrechoc des dents, le mouvement de la respiration contre les parois du larynx, acquièrent une dimension physique et spatiale du fait de leur amplification : ils « emplissent » la salle, et mettent l’accent sur une vie intérieure qui reste d’habitude absente de la conscience du spectateur – et, souvent, de celle de l’acteur. Cet effet est accentué par la façon dont le son est amplifié et distribué dans la salle, chaque spectateur ayant une expérience différente suivant sa position dans l’espace. Ainsi, la division salle - scène est problématisée du fait que la voix de Debilly enveloppe et entoure les spectateurs au lieu d’être projetée frontalement depuis la scène, devenant ainsi tout à la fois familière et fondamentalement étrangère. 

La philosophe et musicologue Danièle Cohen-Lévinas analyse l’utilisation du cri et de la respiration comme autant de moyens de « corporifier la voix ».[20] Cohen-Lévinas suggère en outre que « du fait de sa projection inhérente à son émission, elle peut toucher… le corps de celui qui écoute ; le corps de l’autre ».[21] Ainsi, à un niveau métaphorique, mais aussi acoustique et de fait physique, la voix est dotée de tactilité. Et cette voix est moulée, modelée et texturisée par le corps qui l’énonce, tout comme elle moule, module et texturise ce corps : du fait du passage répété, tout au long de la vie, de l’air dans les poumons, la pression exercée sur les cordes vocales et les muscles de la gorge, la voix contribue à donner forme au corps qui la prononce. Tous ces éléments accentuent cette idée d’une corporalité de la voix, et complexifient l’idée qu’elle est dès lors capable d’un toucher, en particulier dans ce contexte-ci, où elle touche le public au travers d’un intermédiaire : le système d’amplification. C’est donc tout à la fois Debilly, et une version médiatisée de Debilly, qui me touchent. Depuis mon siège dans la salle, je sens cette voix faire vibrer ma cage thoracique, les os de mes pommettes, mes tympans. Cette dimension physique redéfinit la notion de corporalité et de tactilité pour le spectateur, mais aussi pour la comédienne elle-même, touchée selon le même procédé par des sons périphériques habituellement relégués à l’inaudible, dans un mouvement qui rend étrangère son intériorité et suppose une intimité tactile avec sa propre voix, qui la touche précisément parce qu’elle est amplifiée. Ce avec quoi la scène joue ici, c’est la représentation d’une intériorité intime qui n’est pas seulement psychique ou psychologique, mais bien physique, somatique, viscérale, et habituellement inaccessible et irreprésentable. Retournant les notions d’intériorité et d’extériorité, Jean Lambert-wild déjoue l’idée qu’une telle relation tactile est impossible.

Haptique et construction d’une communauté

Quoique chaque membre du public soit « touché » par un aspect différent de la voix de Debilly, du fait du système d’amplification qui accentue les basses dans un périmètre, les aigus dans un autre, il n’en demeure pas moins que tous soyons « touchés » d’une façon qui est à la fois individuelle et pourtant collective du fait de notre installation, tous ensemble, dans la même salle de spectacle. De ce point de vue, le théâtre de Jean Lambert-wild et ses collaborateurs opère d’une manière similaire à la façon dont sont organisées des pratiques de théâtre immersif – à la différence que chez Lambert-wild, une division entre salle et scène continue d’exister. Les expérimentations que le chercheur et praticien Richard Schechner, connu en particulier pour avoir initié le mouvement des Performance Studies, mena avec le Performance Group à la fin des années 60 aux Etats-Unis, trouvent une continuité dans les pratiques immersives contemporaines, auxquelles font écho le théâtre de Lambert-wild. L’« environmental theatre » de Schechner se définit par exemple selon cet axiome : « ALL THE SPACE IS USED FOR THE PERFORMANCE ».[22] Pour Schechner, cela signifie bien plus qu’une abolition de la division entre salle et scène : la « performance » se déroule avec et autour du public qui est participant. Schechner l’exprime en ses mots : « La participation du public agrandit le champ de ce qu’une performance peut être, car la participation du public a précisément lieu au moment où la performance s’arrête et devient un évènement social.[23]  Dans le cas de Lambert-wild, une dimension similaire est rendue possible, quoique dans un modèle de représentation salle-scène, par la façon dont la scène « touche » les spectateurs. La division salle-scène est donc amenuisée par l’utilisation que fait ce théâtre de la technologie. 

Dans son ouvrage intitulé Immersive Theatres, la chercheuse Josephine Machon examine entre autre la place de la technologie dans la création de théâtres immersifs[24], et suggère que « dans une pratique immersive, quel que soit l’usage qui est fait de la technologie, c’est afin d’avancer les questions sensuelles du corps humain ».[25] De façon similaire, le théâtre que construisent Jean Lambert-wild et ses collaborateurs rappelle ces formes de réception développées et promues par les théâtres immersifs, mais il tend à créer un univers immersif par une utilisation déplacée du « toucher », en utilisant la technologie, dans un contexte où la division salle-scène continue d’être, physiquement, réelle. 

Ce toucher, en permettant de dépasser la division salle-scène, et en affectant chacun des membres du public, est ce qui permet au théâtre de Lambert-wild de rendre possible la création d’une communauté – de spectateurs, et d’êtres humains[26]. Je m’appuie ici sur le travail d’un chercheur britannique, Mark Paterson, qui développe une méthode ethnographique qui prend en compte une dimension haptique. Paterson définit l’haptique comme étant « une forme de toucher qui s’étend au-delà du simple … toucher cutané »[27]. De fait, une dimension haptique ne se limite pas à la peau, mais a des ramifications plus profondes et inclut des sensations ressenties de manière interne. Cette idée a des répercussions importantes pour mon argumentation, d’autant que, comme le suggère Paterson, elle rend problématique une conception de l’humain comme « un sujet cutané … enveloppé par de la peau », un postulat qui, d’après Paterson, n’a pas de fondement « neuro-psychologique »[28]. Cela suppose qu’« en termes de sensation, il n’y a pas de division simple entre intérieur et extérieur »[29], mais qu’il s’agit d’un continuum. Paterson suggère que la raison pour laquelle on se représente un tel continuum comme étant composé des antagonistes « intérieur – extérieur », et par extension, « moi – autrui », tient à l’importance prépondérante accordée, dans nos sociétés occidentales, au regard et à l’oculaire. La vue est en effet conçue comme un moyen supérieur de transmission du savoir, d’appréhension et de compréhension du monde, mais aussi de soi : je vois que cette main est mienne, je dessine les contours et les limites de ce que je perçois comme étant « moi ». Or, Paterson suggère que si je vois qu’il s’agit de ma main, il n’est pas aussi clair que je sente que cela le soit. On comprend ce qu’une telle perspective suppose pour un art tel que le théâtre, où la division scène – salle contribue à placer l’emphase sur le sens de la vue. 

 Dans War Sweet War, ce postulat était déjà remis en question par l’effet de dédoublement des acteurs, qui problématisait au niveau visuel l’idée d’une intégrité physique qui soit le refuge de l’identité. La façon dont Lambert-wild et ses collaborateurs traitent la voix dans La Mort d’Adam remet en question cette idée d’une intégrité subjective contenue par une enveloppe cutanée. Prendre en compte une dimension haptique suggère que le sens n’est construit, le savoir n’est acquis ni transmis par l’oculaire seul, mais de manière multi- et inter-sensorielle.  

La théâtralité que développent Jean Lambert-wild et ses collaborateurs, dans la façon dont elle sollicite certes la vue, mais aussi l’ouïe et surtout le toucher, problématise la frontière salle – scène, et remet en question les notions de distance, d’espace, de corporalité, de présence, de proximité. Par ailleurs, la conséquence haptique de cette théâtralité rend possible une expérience à la fois individuelle et collective, au travers de ce que Paterson nomme une « connaissance proximale » qui, en ne plaçant pas l’emphase sur le visuel, floute la frontière entre « moi » et « autrui ».[30] C’est cette dissolution de divisions strictes entre « moi » et « autrui » qui permet à Lambert-wild et ses collaborateurs de construire une communauté de spectateurs, un projet qui est cher à Lambert-wild et qui sous-tend la plupart de ses efforts, que ce soit à une échelle esthétique ou en termes de la politique culturelle qu’il mène au Théâtre de l’Union.

Face aux injouables et irreprésentables techniques et poétiques de la scène, Jean Lambert-wild invente sans relâche un théâtre qui détourne et contourne les codes de représentations contemporains, utilisant tous les mediums mis à sa disposition pour construire un théâtre qui soit en accord avec les temps dans lesquels nous vivons. Ce faisant, il s’attache à construire une théâtralité qui dépasse le visuel, et une œuvre qui, parfois sans y paraître – lorsque notamment ses interprètes sont hors-scène ou presque immobiles – retourne la notion d’injouable et propose une corporalité élargie qui peut toucher, au sens physique et émotionnel, le spectateur qui devient un membre actif d’une communauté : celle du public.

 

 

Bibliographie :

 

Alston, Adam, Beyond Immersive Theatre: Aesthetics, Politics and Productive 

Participation, Parlgrave Macmillan, 2016.

Cohen-Lévinas, Danielle. La Voix au-delà du chant, une fenêtre aux ombres, Paris: 

Librairie Philosophique Jean Vrin, 2006.

Collet, Thierry, « Prestidigitation par Thierry Collet », La Mort d’Adam, site Internet, http://www.lambert-wild.com/fr/spectacle/la-mort-dadam

Entretien avec Jean Lambert-wild, 6 décembre 2010.

Entretien avec Jean Lambert-wild,19 janvier 2012.

Entretien avec Jean Lambert-wild, novembre 2013.

Fensham, Rachel, To Watch Theatre : Essays on Genre and Corporeality.

Brussels: Peter Lang, 2009.

Han, Jean-Pierre. “Une Vie de théâtre ou la biographie fantasmée de Jean Lambert-wild.” Jean Lambert-wild. Caen: Comédie de Caen. 2010.

Lambert-wild, Jean, Se Tenir debout : Entretiens avec Marie-Mai Corbel, Besançon,

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---, “La Mort d’Adam.” Dossier de productionComédie de Caen, 2010.

---, entretien avec Jean-François Perrier, La Mort d’Adam, http://www.lambert-wild.com/fr/spectacle/la-mort-dadam, consulté le 14 juillet 2016.

---, « Orgia : Résumé », http://www.lambert-wild.com/fr/spectacle/orgia, consulté le 15 juillet 2016. 

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Welton, Martin, Feeling Theatre, Palgrave Macmillan : Basingstoke, 2012.

[1] On pense par exemple aux travaux de Joris Mathieu.

[2] Jean-Pierre Han, “Une Vie de théâtre ou la biographie fantasmée de Jean Lambert-wild.” Jean Lambert-wild. Caen: Comédie de Caen. 2010, p.1. 

[3] Jean Lambert-wild, Se Tenir debout: Entretiens avec Mari-Mai Corbel,p. 26.

[4] J’utilise fréquemment dans mon texte l’expression « Lambert-wild et ses collaborateurs ». Cette formulation, quoique maladroite, permet de souligner la dimension collective et absolument collaborative qui sous-tend tant la poétique que l’éthique de travail de Lambert-wild. 

[5] Entretien avec Jean Lambert-wild, 6 décembre 2010.

[6] Entretien avec Jean Lambert-wild, novembre 2013.

[7] Entretien avec Jean Lambert-wild, 19 janvier 2012.

[8] Entretien avec Jean-Francois Perrier, La Mort d’Adam. 

[9] http://www.lambert-wild.com/, consulté 25 juin 2016.

[10]Martin Welton, Feeling Theatre, p.10 : «  a dynamic process ». Je traduis. 

[11]Martin Welton, Feeling Theatre, p.2 : “an engagement of self, and one’s own possibilities, as much as of the objects towards which one’s attention is directed”.

[12] Pour aller plus loin et pour une exploration de la dimension personnelle et somatique du fait d’être spectateur, se reporter à Matthew Reason et Dee Reynolds, auteurs d’une recherche empirique sur la façon dont chaque membre du public ressent, répond et interprète le geste dansé en fonction d’une multitude de facteurs d’ordre personnel, historique et culturel.

[13] L’auteure Peggy Phelan a beaucoup écrit sur cette caractéristique inhérente à l’acte d’être spectateur. Voir par exemple: Peggy Phelan, “Trisha Brown’s Orfeo : Two Takes on a Double Ending.” in Of The Presence Of The Body. ed. André Lepecki, Middletown: Wesleyan U P. 2004. Rachel Fensham explore par ailleurs cette dimension dans son ouvrage To Watch Theatre : Essays on Genre and Corporeality, Brussels: Peter Lang, 2009.

[14] Cette idée fait écho à celle développée par Fensham, qui explique qu’ « aller au théâtre n’est pas seulement une expérience pour « moi », mais [c’est] faire l’expérience d’un « nous », assise et entourée d’autres » in To Watch Theatre: Essays on Genre and Corporeality, p.21. (je traduis) (« going to the theatre is not just about  “me” but about the experience of sitting as a “we” with others. »)

[15] Jean Lambert-wild, La Mort d’Adam, dossier de production, p.11.

[16] Lambert-wild a en effet collaboré avec des magiciens et illusionnistes à plusieurs reprises, notamment Thierry Collet pour La Mort d’Adam ou Stéphane Pellicia (Nazarov le trimardeur). Pour Lambert-wild, l’usage de la magie va au-delà du « truc », et il s’en sert parce que, comme l’exprime Collet, elle « renvoie à des mystères plus vastes, des inquiétudes plus profondes, des questionnements humains plus troublants ». (« Prestidigitation ») 

[17] « Orgia : résumé », http://www.lambert-wild.com/fr/spectacle/orgia, consulté 15 juillet 2016.

[18] Voir note 11. 

[19] Cette perspective est développée par Rebecca Schneider notamment, dans un article maintenant célèbre : « Archives, Performance Remains ». L’argument de Schneider (et de nombre d’autres chercheurs/ses) consiste à proposer qu’il existe une mémoire incarnée du spectacle vivant, une perspective qui va à l’encontre d’une logique « patrilinéaire » de la notion d’archive qui se centre sur le visuel comme sens premier et supérieur.

[20] Danielle Cohen-Lévinas, La Voix au-delà du chant, une fenêtre aux ombres, Paris: 

Librairie Philosophique Jean Vrin, 2006, p.79.

[21] Danielle Cohen-Lévinas, La Voix au-delà du chant, une fenêtre aux ombres, p.78.

[22] Schechner, Environemntal Theater : An expanded new édition including ‘Six Axioms for Environmental theater’, Applause, NYC, London, 1994, p.ix.

[23] Schechner, Environemntal Theater : An expanded new édition including ‘Six Axioms for Environmental theater’, ix. « Audience participation expands the field of what a performance is, because audience participation takes place precisely at the point where the performance breaks down and becomes a social event ».

[24] Les pratiques de théâtre et performance immersives sont en ce moment très a la mode en Grande-Bretagne, avec des compagnies telles que Punchdrunk ou You Me Bum Bum Train en tête d’affiche. Pour une discussion sur les implications politiques et économiques de telles pratiques dans le contexte socio-économique britannique actuel, se référer par exemple à l’ouvrage d’Adam Alston : Beyond Immersive Theatre : Aesthetics, Politics and Productive Participation

[25] « In immersive practice any use of technology seeks to foreground the sensuous matter of the human body », Josephine Machon, Immersive Theatres : Intimacy and Immediacy in Contemporary 

Performance, p.36.

[26] Entretien avec Jean Lambert-wild, 19 janvier 2011.

[27] « the kind of touch … [that] extends beyond … cutaneous touch », Mark Paterson, “Haptic Geographies : Ethnography, Haptic Knowledges and Sensuous Dispositions.”, p.768.

[28] « Our common conception of a cutaneous subject … enveloped (limited) by skin has no neuropsychological basis whatsoever ». Mark Paterson, “Haptic Geographies : Ethnography, Haptic Knowledges and Sensuous Dispositions.”, p.780.

[29] « In terms of sensation, there is no simple inside and outside. ». Mark Paterson, “Haptic Geographies : Ethnography, Haptic Knowledges and Sensuous Dispositions.”, p.780.

 

[30] « proximal knowledge », « self », « other ». Mark Paterson, “Haptic Geographies : Ethnography, Haptic Knowledges and Sensuous Dispositions.”, p.781.

 

 

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