Entretien radiophonique avec Pier Paolo Pasolini

 

Turin, 27 novembre 1968

Leoncino Leoncini : Turin. Le premier travail théâtral de Pier Paolo Pasolini, Orgia, interprété par Laura Betti, Luigi Mezzanotte et Nelide Giammarco est sur le point d’être représenté au Dépôt d’Art Presente, rue San Fermo. Premier travail théâtral, mais aussi premier exemple de ce que vous, Pasolini, appelez “théâtre de parole”…

Pasolini : Le “théâtre de parole” est un théâtre qui se base exclusivement sur le texte, qui exclut l’action. C’est-à-dire que sur scène il n’y a pas de duels, de baisers, de sauts, de contorsions et autres choses de ce genre, mais tout est simplement du texte, un peu comme les Grecs dans l’Antiquité. Le schéma théâtral est inspiré de la tragédie grecque, où tout n’est que parole justement.

Leoncino Leoncini : Un drame en vers dont la trame raconte l’effondrement d’un mariage et le suicide de deux époux. Mais la signification intérieure, quelle est-elle ?

Pasolini : C’est avant tout la différence. C’est-à-dire : quelle est la place du “différent” dans une société qui fait de la normalité une sorte de théologie. Et puis, le sens de la mort. C’est-à-dire : la mort peut-être “habitude à la répression” comme dit Marcusse ; et donc elle peut conduire à une vie de résignation, d’une part, et de culpabilité, d’autre part. À l’inverse, cette Orgia enseigne, en quelque sorte, à faire un bon usage de la mort.