L'Ankou

Les intersignes annoncent la mort. Mais la personne à qui se manifeste l’intersigne est rarement celle que la mort menace. Si l’intersigne est aperçu le matin, c’est que l’événement annoncé doit se produire à bref délai ( huit jours au plus). Si c’est le soir, l’échéance est plus lointaine, elle peut-être d’une année et même davantage.

Personne ne meurt sans que quelqu’un de ses proches, de ses amis ou de ses voisins n’en ait été prévenu par un intersigne. Les intersignes sont comme l’ombre, projetée en avant, de ce qui doit arriver.

Si nous étions moins préoccupés de ce que nous faisons ou de ce qui se fait autour de nous en ce monde, nous serions au courant de presque tout ce qui se passe dans l’autre. Les personnes qui nient les intersignes en ont autant que celles qui en ont le plus. Elles les nient uniquement parce qu’elles ne savent ni les voir, ni les entendre

Anatole Braz, La légende de la mort chez les Bretons armoricains.

 

On dépeint l’Ankou, tantôt comme un homme très grand et très maigre, les cheveux longs et blancs, la figure ombragée d’un large feutre, tantôt sous la forme d’un squelette drapé d’un linceul, et dont la tête vire sans cesse au haut de la colonne vertébrale, ainsi qu’une girouette autour de sa tige de fer, afin qu’il puisse embrasser d’un seul coup d’œil toute la région qu’il a mission de parcourir.

Dans l’un et l’autre cas, il tient à la main une faux. Celle-ci diffère des faux ordinaires, en ce qu’elle a le tranchant tournée en dehors. Aussi l’Ankou ne la ramène-t-il pas à lui, quand il fauche.

Le char de l’Ankou ( « karrik » ou « karriguel ann Ankou » ) est fait à peu près comme les charrettes dans lesquelles on transportait autrefois les morts. Il est trainé d’ordinaire par deux chevaux attelés en flèche. Celui de devant est maigre, efflanqué, se tient à peine sur ses jambes. Celui du limon est gras, a le poil luisant, est franc du collier. L’Ankou se tient debut dans la charrette.

Emile Souvestre, Le Foyer Breton 1844