On ne fait pas un collier de Sade sans risquer quelques nœuds – Texte de Jean-Remy Guédon

Qui à la lecture des Cent vingt journées de Sodome n’a été frappé par la déraison du marquis à décrire l’horreur ? Cette aspiration des bourreaux à mettre en scène leur respectabilité à travers l’abject n’est pas sans faire écho aux observations d’un Jorge Semprun ou d’un Primo Lévi.

Pourtant, comme les surréalistes, je rêve de réhabiliter l’homme. Celui qui, à la lecture assidue de ses œuvres, m’est apparu en regard du peu que sa réputation sulfureuse me le laissait entrevoir. 

Je souhaite mettre en lumière la profondeur et la solitude abyssale d’un être humain amoureux fou de sa liberté d’écrire et de penser. Une personnalité à laquelle tout compositeur, qui plus est de jazz, ne peut rester insensible.

Ici, il est question de religion, de sens, de nature. De ce festin de passions, Sade échafaude un théâtre baroque où les brutalités du monde sont peintes sans concession.

A partir de ces contes pour adultes, j’ai à mon tour composé des chansons : ce format musical me semble le plus apte à traduire la théâtralité et la magnifique complexité de l’œuvre sadienne.

Je conçois ces chansons comme autant de perles d’un collier solidement reliées entre elles au moyen d’un fil sonore. Ce lien est tel un marais parfois inquiétant, parfois tranquille d’où naissent et meurent ces bulles de son.

On ne fait pas un collier de Sade sans risquer quelques nœuds, certes, mais le matériau est si puissant qu’il pourrait rayonner à l’image de ce « soleil noir du siècle des lumières ».