Carnet de bord # 1 Dom Juan ou Le Festin de pierre

Par Jean Lambert-wild, Lorenzo Malaguerra & Marc Goldberg

 

Dès le début, nous nous sommes dits qu’il devait faire chaud sur le plateau. Pas chaud au sens d’une boîte de nuit ou d’un sauna, versions usées jusqu’à la corde pour signifier la séduction. Non, chaud au sens physique du terme, placer l’action sous des latitudes moins tempérées que la nôtre afin d’y voir pousser toutes sortes d’affections physiques, de plantes grimpantes et d’ennui. Pourquoi ? Comme souvent, tout est parti d’une intuition autour de laquelle peuvent se construire du sens et du jeu. Cette intuition tournait autour du caractère de Don Juan et de sa rencontre avec le clown de Jean Lambert-wild. Nous en parlerons en détail dans les prochains carnets mais disons que nous cherchions de la tempérance plutôt que de la fougue ou de la colère. Tempérance, voire une certaine forme de nonchalance tout en utilisant ce dernier terme avec des pincettes car il ne fallait surtout pas rendre mou le personnage. La chaleur nous a donc semblé donner du sens à cette érosion de l’âme, à cette perte de valeurs morales, au fait que Don Juan renverse la table des conventions sociales d’autant plus violemment qu’il n’y a plus de société autour de lui à part quelques personnages perdus comme lui dans la jungle.

À partir de là, d’un seul élément physique, s’est construit le projet de notre Dom Juan ou le Festin de pierre.Si nous devions d’ailleurs trouver une continuité entre nos dernières réalisations communes – Richard III, Roberto Zucco, Yotaro au pays des Yôkais – nous pourrions dire que nous avons toujours cherché à mettre ces « héros » dans des environnements très contraignants ou particuliers (respectivement une machine de foire, un panoptique, le monde des esprits), qui renforçaient la solitude du personnage, qui le séparaient en quelque sorte du monde normal des vivants. 

Ce pouvoir d’étrangeté qui a été au cœur de nos précédents spectacles, prend avec Don Juan une forme assez extrême car il faut ajouter au décor somptueux de cette jungle un choix d’interprètes qui avaient finalement assez peu de chance de se croiser un jour sur la même scène : de tout jeunes acteurs, des musiciens (suisses) plutôt habitués à la chanson et au cabaret ainsi qu’un formidable acteur vu dans le documentaire La mort de Danton d’Alice Diop, Steve Tientcheu. Nous avions là aussi l’intuition que ces croisements géographiques, sociaux, générationnels étaient certes très risqués mais qu’ils avaient du même coup un énorme potentiel théâtral. En créant ces rencontres, il était absolument clair que ce projet-là, que ce Dom Juan là ne ressemblerait à aucun autre, que même à la limite il nous échapperait par le fait que nous ne pouvions absolument pas prévoir ce que cet assemblage allait produire. 

Idéalement, un fabuleux monstre...

Carnet de bord #1 > Dom Juan ou Le Festin de pierre > Nicolas Verdier, comédien de la Séquence 9 de L'Académie de l'Union

Spectacle

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